20 novembre 2006

Fading : Paris > Praha > Paris

«Je suis parfois triste à Prague où les noms des rues manquent de cette poésie magique que soufflent à nos oreilles le petites plaques en tôle bleue au coin de rues et ruelles à Paris. Mais je sais quelle rue de Prague porterait pour moi le nom “Ci-gît-le-Cœur”»Vítězslav Nezval

Des jours d’automne, à Paris, qui se mesurent à ces jours d’un autre automne, d’un autre hiver, d’autres saisons à Praha et ses environs. Des images, pages détachées d’un carnet de notes, d’un carnet de flâneries et d’errances. Deux regards qui s’inter-pénètrent sans pour autant se superposer ; des différences, avec un léger décalage.



Étrange d’observation de la métamorphose de ces photographies, de la pellicule, au livre, puis du livre au mur. Trois agrandissements successifs, périlleux exercice… Pourtant, cette délicate opération est accomplie, avec discrétion. Nul désir d’ostentation ne préside à ces manipulations. Ainsi, ces photographies ne sont-elles pas collées au mur. Elles y sont accrochées justement de manière à s’en détacher, et l’espace entre les images et le mur, n’est pas pour autant laissé vide. Les photographies ne sont, en effet, pas encadrées mais marouflées ou contrecollées sur panneaux de bois, comme si la page de papier était retournée à son état d’origine, le bois, retrouvant volume et épaisseur, retrouvant une ombre aussi…

En réalité, on pourrait n’avoir jamais quitté Paris, être toujours resté sur les quais à regarder couler la Seine, peu ou pas de pittoresque touristique, en effet. Pourtant, c’est bien la Vltava, chère aux poètes, qui traverse cette topographie intime.

Que dirait Vítězslav Nezval, de voir sa ville ainsi dévoilée ? Que dirait-il de ces deux étrangers, qui tentent d’apercevoir à Praha, ou d'y deviner d’hypothétiques traces d’un écrivain de leur terre, plus à l'ouest ? Sans doute les approuverait-il avec dans le regard un éclair de complicité amusée. N’avait-il pas, au cours de son séjour parisien, ressenti lui-même une vive émotion en apprenant que Marcel Duchamp avait quelques fois séjourné à Praha pour des tournois d’échec ? Ne s’était-il pas fait la réflexion joyeuse qu’il ne verrait désormais plus sa ville de la même manière ?…



Si Vaillant, Sima, Duchamp, Desnos, Mozart, Nezval, Kafka et d’autres encore hantent les photographies d’Anne-Lise et de Nicolas, c’est sans doute que leurs voyages n’ont pas été faits en vain. Chacun verra sûrement apparaître, d’autres fantômes, d’autres amitiés, d’autres amours, d’autres regrets et d’autres adieux… dans les traces de cet aller-retour comme suspendu : Paris > Praha > Paris…

© Photographies : Nicolas Comment (couleur) & Anne-Lise Broyer (noir & blanc)

Fading, photographies d’Anne-Lise Broyer et Nicolas Comment. Galerie Madé, 6 rue Le Regrattier, Paris 4e. Jusqu’au 14 décembre 2006

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