Écrits en colimaçon
26 mai 2007
04 mai 2007
Le Bleu du ciel sans bataille
Il ne fut finalement que peu question du récit de Georges Bataille, Le Bleu du ciel. Simple point de départ, amorce et prétexte à une variation sur le bleu. Il est vrai que cette couleur si riche de références habite un tel nombre d'expressions de la langue française qu'il aurait été dommage de s'en priver, pour les oulipiens.
Si la référence à Bataille fut en fin de compte peu fouillée - une sorte de point aveugle, à Contre-ciel, serait-on tenté de dire- sans doute n'était-ce là qu'une habile façon d'évoquer le roman d'un oulipien, c'est-à-dire Les fleurs bleues de Raymond Queneau ? En effet, les deux hommes n'avaient-ils pas travaillés ensemble quelque temps dans les années 20-30 ?
Le ciel fut également bien vite sur évincé sans doute parce que comme le notait justement Peter Greenway “There is no such colour as blue, blue is an illusion, for the sky is really black…” restait tout le reste, ce qui n'est pas peu…
Azur, azur, pas de bas-bleu, un peu d'IKB, de curaçao et de bleu de méthylène, pour un cocktail bleu lagon, sans concession ; du cuivre et des hommes bleus ; parbleu… des voyages transatlantiques au dessus de la grande bleue ou des astuces de bleu sans peur pour éviter coups et ecchymoses ; histoires de cordons bleus ; des myosotis et des bleuettes de saison…
Un feu d'artifice bleu où jeux de mots et calembours portaient tous cette même robe en camaïeu, sans bleus à l'âme malgré quelques blue notes.
08 mars 2007
«Rien ne sert de mourir, il faut savoir disparaître.»
Cool Memories - 1980-1985
Le Satrape Jean Baudrillard est mort hier, 6 mars 2007, abandonnant de façon definitive la scène de ses combats. Soixante-dix sept ans, pendant lesquels il a maintenu sa pensée dans cette zone de liberté critique, souvent salvatrice, que beaucoup ont déserté depuis longtemps… Une zone d'Utopie féconde et dérangeante qui aujourd'hui, tend à ne devenir qu'un triste no man's land.
Les esprits de veille peuvent-ils disparaître alors que les questionnements soulevés demeurent encore d'actualité ? Puisque les écrits restent, sans doute quelque chose de cet esprit rebel nous accompagne vers demain… sa pensée sans concession.
09 février 2007
69'
Chaque fois trois personnages, un homme et deux femmes. Un des personnages se distingue des deux autres (l’employée fraîchement licenciée qui n’a plus rien à perdre, la jeune étudiante qui fait un job d’été et a tout à découvrir, l’infirmière débutante encore trop sensible qui affronte la guerre, ou encore le poète qui vient de signer un bon contrat) et produit ce léger déséquilibre dont naît la faille dans laquelle certains des protagonistes ne manqueront pas de s’introduire. Cette faille, c’est le désir que l’on ne réfrène pas, l’envie soudaine du plaisir charnel, un appétit partagé qui ne trouvera sa conclusion que dans l’étreinte ou sous les caresses.
Ces saynètes écrites à l’origine pour la radio sont mises en scène par l’auteur : la scène est sur la scène, une fois encore. L’auteur, en se fixant comme contrainte d’évoquer l’acte sexuel sur scène sans tomber dans la vulgarité, interroge finalement la pratique du théâtre même. Comment, en effet, montrer ce que d’habitude l'on cache, tout en s’interdisant le recours aux recettes classiques de la naissance de l’amour. Parfois les gestes se font suggestifs, mais bien plus ce sont les mots qui évoquent le trouble sensuel et sexuel, et décrivent les transports. Les gestes, regards ou les caresses deviennent alors quasiment accessoires.
Les lecteurs de Jacques Jouet ne seront sans doute guère étonnés de cette recherche autour de l’expression de la sensualité sur scène. Une autre jeune Annette, personnage récurrent dans ces scènes, n’apparaissait-elle pas déjà dans une des pièces de Morceaux de théêtre narguant Dionysos lui-même …
[L’Amour au Travail, pièce de Jacques Jouet, avec Jehanne Carillon, Christian Girault et Mélanie Vaugeois, lumières de Fred Ansquer]
14 janvier 2007
Louise
Louise Bourgeois répondant à une question à propos de la valeur du silence posée par Paulo Herkenhoff lors d'un entretien, disait ceci :
“Le regard est plus important que les mots. Le silence, c'est l'intimité. Si celle-ci est solide, l'intervention de l'un et de l'Autre n'est pas nécessaire. Le non-dit est plus important que le dit. Parfois nous ne sommes pas sûrs que la communication existe. Elle n'est pas indispensable. Je ne travaille pas pour communiquer et parfois je me demande si je le fais.”
Cette brève réponse, sorte d'esquisse de définition de la pratique des arts plastiques, n'invite-t-elle pas à retourner voir ses œuvres et à les écouter ? En ces jours où la communication est devenue reine et où les paroles creuses inondent notre quotidien, nul doute que ce silence agirait en remède efficace, si l'on se donnait la peine de l'entendre.
Avec un peu de retard : Happy birthday, Louise !